SYNTHESE DES EXPERIENCES


Rencontre Nationale "Territoire et proximité, moteurs de la modernisation
du service public des communes" 24 et 25 février 2000.



Introduction

Cette étude a été effectuée par Pascale Korn pour le compte de la Délégation Interministérielle à la Ville, dans le cadre du partenariat conclu entre cette institution et la Commune de Montreuil pour l'organisation de la Première Rencontre Nationale "Territoire et proximité, moteurs de la modernisation du service public des communes".

Les expériences en matière de territorialisation de quatorze collectivités locales ont été recueillies en janvier-février 2000 :

Pour neuf de ces collectivités, des entretiens ont été réalisés auprès de responsables administratifs ou politiques. Il s'agit du Conseil Général du Nord et des communes d'Amiens, Boulogne-Billancourt, Dunkerque, Evry, Mâcon, Nantes, Poitiers et Rennes.

L'expérience des cinq autres collectivités a été recueillie par l'intermédiaire d'entretiens transmis à des responsables administratifs, entretiens qui ont ensuite fait l'objet d'une synthèse. Il s'agit du Conseil Général du Rhône et des communes de Cergy, Montreuil, Saint-Herblain et Strasbourg.

Ces collectivités étaient, pour la plupart, membres du Comité de Pilotage mis en place pour l'organisation de la Rencontre. Parmi les Communes, quatre ont un nombre d'habitants inférieur à 60 000 ; trois ont une population comprise entre 60 et 100 000 habitants ; enfin, la population de trois d'entre elles s'élève à plus de 200 000 Habitants. Quatre des Communes sont situées en région parisienne ; les autres sont soit les villes-centre de leur agglomération, soit, pour l'une d'entre elles, une ville périphérique.

Enfin, toutes les collectivités auprès desquelles a été réalisée l'enquête, sauf une, voient une partie de leur territoire concerné par la politique de la ville. L'existence de dispositifs et d'une équipe DSU sont apparus comme l'un des éléments explicatifs, sans être le seul, de la mise en place d'une démarche de territorialisation dans une collectivité locale. En tout état de cause, les équipes DSU, là où elles existent, sont toujours partie prenante des équipes de définition ou de suivi des dispositifs de territorialisation.

L'objectif de cette enquête était de recenser un certain nombre d'expériences en matière de territorialisation, et ce tant du point de vue de la description des dispositifs que du discours des acteurs sur ces dispositifs, et de l'analyse qu'ils en font. Il s'agissait également d'objectiver un certain nombre de démarches qui, dans différentes collectivités, relèvent d'un mouvement général mais mettent en oeuvre des moyens et parfois des logiques différents. A ce titre, cette étude vise aussi à initier une mise en relation et en discussion de dispositifs multiples.

Précisons enfin que l'étude présentée ici n'a nulle prétention à l'exhaustivité : la quantité d'expériences prises en compte, en effet, est relativement limitée, et la constitution de l'échantillon était liée à un indéniable "effet réseau". On a donc avant tout cherché, à partir de l'analyse de certains dispositifs et certains discours, à mettre en évidence des similitudes ou des divergences, et à pointer les grandes questions que pose la mise en place dans une collectivité d'un dispositif de territorialisation de son action.

Dans le discours de acteurs interrogés, la notion de territorialisation renvoie le plus souvent à des dipositifs visant à une plus grande proximité des services sur le territoire. C'est cet aspect de la territorialisation que l'on commencera par développer dans cette synthèse.

Mais la territorialisation renvoie aussi, tant dans les discours que dans les dispositifs, à la notion de démocratisation de la vie locale, à la mise en place de dispositifs visant à mieux prendre en compte les demandes et l'opinion de la population. C'est cette dimension de la territorialisation qui sera examinée dans la seconde partie de ce texte.

Enfin, derrière ces deux dimension de la territorialisation, c'est la question de l'adaptation et l'évolution du niveau central des collectivités qui apparaîtra en filigrane.



Les dispositifs de déconcentration et de proximité des services

Les dispositifs de déconcentration des services visent avant tout à rapprocher ces services de leurs usagers, dans le but de mieux répondre aux attentes de la population par l'amélioration des services offerts, amélioration qui passe par une plus grande rapidité et une meilleure efficacité des réponses aux demandes. Ces objectifs reviennent dans le discours de l'ensemble des acteurs interrogés au cours de l'enquête.

Un autre objectif souvent exprimé est celui de créer, entre les agents des services déconcentrés, des lieux et des temps d'échange, et de susciter chez ces agents de nouveaux modes d'intervention. Ce second objectif renvoie, dans de nombreux cas, à la notion de projet, entendu comme un objet co-élaboré dans une logique de transversalité par des agents appartenant à des services différents. Les notions de projet et de transversalité sont souvent assimilées à une "culture politique de la ville". Il s'agit alors, à travers la territorialisation, de transférer à l'échelle de tous les services ou de toute la ville les logiques et modes opératoires qui sous-tendent la mise en oeuvre des politiques de DSU (Conseil Général du Nord, Dunkerque, Mâcon, Nantes).


Les dispositifs


Derrière ces objectifs que l'on retrouve, exprimés en des termes relativement semblables, dans la plupart des collectivités, se cache une grande diversité des dispositifs et de leurs appelations. Il est d'ailleurs à noter que les mêmes termes peuvent désigner, suivant les collectivités, des dispositifs très différents, tout comme l'utilisation de termes similaires n'est nullement un gage de similitude des dispositifs.

La déconcentration des services peut se traduire par la mise en place de Mairies annexes qui délivrent des prestations administratives (Dunkerque, Poitiers), par la prise en compte du découpage en quartiers par les services techniques (Dunkerque, Saint-Herblain), par la mise en place d'antennes de certains services communaux, et notamment du CCAS (Rennes). La démarche peut aussi conduire à la mise en place, suivant une logique de Plate-Forme de Services Publics, d'"Agence de Quartier", de "Pôles" de délivrance des services, d'"Espaces Sociaux Communs", où sont présents plusieurs services communaux (services administratif, techniques, d'animation, CCAS, etc.) auxquels peuvent également être associés des services non communaux (bailleurs sociaux, services du Département, CAF, ANPE, etc.). Voir à ce sujet les expériences de Amiens, du Conseil général du Rhône, de Mâcon, Montreuil, Rennes, etc.

La mise en place de dispositifs de déconcentration des services pose également la question de l'évolution des services centraux d'une collectivité, qui peuvent, sans pour autant se déconcentrer, prendre en compte la démarche de territorialisation en organisant leur action suivant une logique territoriale (projet Nantes Services Publics XXI).

La démarche de territorialisation peut également se traduire par un dégonflement de certains services centraux au profit d'une nouvelle organisation, parallèle, avec des services organisés autour de référents territoriaux (Amiens).

L'organisation territoriale peut, enfin, être placée sous la responsabilité de certains membres de l'administration centrale (Montreuil) ou d'une Mission ou d'un service préexistant (il s'agit alors le plus souvent du service Politique de la Ville) ou créé pour l'occasion (Conseil Général du Nord, Mâcon, Nantes, Strasbourg).


En débat

Un certain nombre de questions se profilent derrière la mise en place de dispostifs de déconcentration des services. La première d'entre elles est celle du degré de déconcentration à rechercher, question qui peut prendre trois formes :

Quels services déconcentrer ? La question se pose pour une collectivité du choix des services qu'elle souhaite voir présents dans les quartiers. Le dispositif peut aller de l'implantation dans chaque quartier d'une Mairie de Quartier qui offre tous les services que propose la Mairie centrale, mais le choix peut aussi être fait de n'implanter que certains services dans les quartiers, dans une démarche de complémentarité entre les antennes ou Mairies de Quartier et la Mairie Centrale.

Jusqu'à quel point déconcentrer les services ? La question est ici de savoir si un service donné doit proposer tout l'éventail de ses prestations dans une structure ou si certaines prestations doivent continuer à n'être délivrées qu'en Mairie centrale. Le risque d'un dispositif de proximité est, en effet, que les habitants trouvent dans leur quartier tous les services dont ils ont besoin et n'aient plus l'occasion, parce que plus le besoin, de se déplacer en centre-ville.

Les réponses apportées à cette question du degré de déconcentration des services diffèrent selon les villes étudiées, et surtout selon les services : les services techniques, notamment, font souvent l'objet d'une déconcentration assez complète de leurs activités, alors que, dans le cas des services état-civil par exemple, la déconcentration est en général volontairement incomplète, et certaines prestations -acquisition d'une nationalité, instruction d'un RMI- ne sont délivrées qu'au niveau central.

Comment veiller au maintien de l'unité du service rendu ? Il est en effet nécessaire de veiller à ce que les services délivrés dans chaque quartier aient la même qualité, afin d'éviter un fractionnement de la Ville.

Un autre grand enjeu lié à la déconcentration des services réside dans l'organisation du travail des services abrités par les mêmes structures déconcentrées. Le rassemblement de plusieurs services en un même lieu peu se traduire par leur simple juxtaposition ; il peut déboucher sur une coordination de l'intervention des services et des agents ; il peut, enfin, aller jusqu'au développement de modes opératoires innnovants, autour de projets rassemblant plusieurs services.


Les dispositifs de Démocratie locale

Les objectifs des dispositifs de Démocratie locale, tels qu'ils sont exprimés par les acteurs interrogés, sont de permettre aux Citoyens de s'exprimer entre deux consultations municipales, de répondre aux exigences d'information des habitants, de les associer à la prise de décisions au sein de la Ville. Certaines des personnes interrogées ont également exprimer le souci de favoriser l'expression citoyenne des populations les plus en difficulté. D'autres enfin, et ce dernier argument pourra paraître dans une certain mesure contradictoire avec le précédent, ont insisté sur la volonté de leur collectivité de ne pas limiter la mise en oeuvre de la Démocratie participative aux seuls quartiers "en difficulté", afin de ne pas stigmatiser ces quartiers.

Quant au lien entre la territorialisation et les dispositifs de Démocratie locale, il s'exprime à travers deux idées : l'idée que le quartier est un niveau pertinent d'expression du Citoyen, et celle qu'il constitue un nouvel espace public qu'une Municipalité se doit de prendre en compte.


Les dispositifs


On a pu noter au cours de l'enquête, dans le cas des dispositifs de participation comme dans celui des dispositifs de déconcentration des services, la grande diversité des dispositifs. Là aussi, les mêmes termes -Conseils ou Comités de Quartier, Comissions consultatives, etc.- désignent des objets différents, ou bien les mêmes types de dispositifs sont désignés par des appelations distinctes.

Un premier facteur de distinction entre les divers dispositifs réside dans leur composition. A cet égard, deux grandes tendances ont pu être identifieés :

La première consiste à n'ouvrir les instances de participation qu'à des acteurs cooptés par les membres du Conseil Municipal (Evry, Saint-Herblain, Conseils Communaux à Dunkerque), où à certains acteurs que sont les associations, les représentants d'institutions, etc (Comités Consultatifs de Quartier à Nantes).
Les instances de participation peuvent aussi être des lieux ouvert à l'ensembles des habitants d'un quartier (Poitiers, Carrefours des Citoyens à Nantes).

L'autre élément qui est apparu au cours de l'enquête comme susceptible de constituer un facteur discriminant entre divers types de dispositifs est le fonctionnement des instances de participation, leurs attributions et leurs compétences. Les instances de participation peuvent n'être vues que comme des lieux de transmission d'information de la Municipalité vers habitants ou les autres acteurs du quartier, suivant une logique "descendante". Ils peuvent aussi fonctionner suivant une logique "ascendante", et constituer des lieux d'expression de demandes de la part des Citoyens, et de mise en débat des projets municipaux. Les instances de participation peuvent, enfin, constituer des lieux d'élaboration de projets, de travail en commun des différents acteurs que sont les habitants, les associations, les services municipaux ou non, les élus, etc. (Poitiers).

Les dispositifs de participation des habitants sont, en outre, très souvent liés à une évolution du système politique de la collectivité locale, avec la mise en place d'élus territorialisés. Quant à la place et au rôle de ces élus liés à un territoire, les choix faits par les collectivités sont très divers : les élus de quartier peuvent ou non être constitués en équipes coordonnées par un Adjoint, ils peuvent ou non conserver une fonction thématique en plus de leur fonction territoriale -une question importante à prendre en compte réside dans le lien entre élus thématiques et élus territoriaux, et dans l'éventuelle prééminence de certaines fontions sur d'autres-, il peut y avoir un ou plusieurs élus par territoire, etc. Il existe également des variations quant à la fonction des élus de quartier par rapport aux instances de Démocratie locale : il peuvent s'y faire les porte-parole de la Municipalité, avoir une fonction de remontée de l'information, les animer ou simplement y assister, etc.

Derrière ces grandes options quand à la place et au rôle des élus territorialisés se pose la question de leur fonction au sein de la Ville et des dispositifs de territorialisation et de Démocratie locale : ces élus peuvent constituer une interface entre la Municipalité et les habitants, facteurs de meilleure circulation entre l'institution et les Citoyens (Boulogne-Billancourt). Ils peuvent aussi avoir pour rôle de défendre les projets du quartier, voire de participer à leur définition et de les porter (Montreuil).


En débat

La grande question qui se pose lorsque l'on considère les dispositifs de Démocratie locale est celle de la prise de décision au sein d'une collectivité locale, et du degré de choix qu'il est possible ou souhaitable de laisser aux instances de participation. Jusqu'où est-il possible d'impliquer des acteurs non élus -habitants, associations, représentants de services ou d'institution- sans remettre en cause la légitimité issue du suffrage universel dont disposent les élus ? Sur cette question, il nous semble intéressant de se référer à la position de l'Observatoire de la Vie Citoyenne de Poitiers, dont il est fait état dans la fiche sur cette ville : la position de cette instance consiste à affirmer que la codécision a ses limites, et que la décision finale doit toujours revenir, en dernier ressort, à l'élu.


Conclusion


Nous souhaiterions pour finir insister sur la variété des objectifs, des dispositifs et des appelations utilisées en matière de territorialisation. Même s'il existe de grandes tendances, et si l'on retrouve les mêmes grandes questions dans la plupart des cas, chaque collectivité définit ses dispositifs en fonction de son histoire, de la configuration de son territoire, des ses potentialités, de sa taille, etc.

On se trouve, en matière de territorialisation de l'action des collectivités locales, sur un terrain d'innovation, où de nouvelles réflexions sont produites et des dispositifs innovants mis en oeuvre. D'où l'importance de qualifier les démarches, de définir des objets de réflexion communs, et de conceptualiser des principes d'action qui pourront aider ces démarches à atteindre les objectifs qui leur sont assignés. C'est là que se situe tout l'enjeu de la mise en place d'un réseau de réflexion et d'échange d'expériences associant les collectivités engagées dans ces processus de territorialisation.
 
 
   
 
haut de page